Dormir et vivre à bord du Transsibérien (pour se souvenir de sa vie d’étudiante et des 5 m² habitables)

Contexte : Pourquoi on a décidé de s’enfermer dans un train pendant 6 jours et demi cumulés
Tu peux suivre nos préparatifs sur la page Russie juste ici parce que c’est un pays compliqué à visiter en ce moment pour des raisons que vous devez connaitre.
En juillet 2025, on s’est lancé dans un projet un peu fou : traverser la Russie d’est en ouest pendant 21 jours. Objectif : vivre le Transsibérien, vraiment. Pas juste un tronçon symbolique histoire de dire « je l’ai fait », non. On voulait voir ce que ça faisait de vraiment habiter ce train, de dormir dedans, de manger dedans, de parler (ou de ne pas parler) dedans. Plus de 9000 km de rails et l’idée de se dire je traverse le plus grand pays du monde. Promis plus jamais je me plaint quand il faut plus d’une heure et quart pour faire Lyon-Grenoble …
L’itinéraire a été un vrai casse-tête : on voulait s’arrêter partout avec un temps limité ( Oui, c’est court 21 jours quand un tiers est déjà pris par le train) mais on voulait aussi un gros morceau de rail pour vivre l’expérience. Notre plus gros tronçon a été Khabarovsk > Oulan-Oude, environ 50 heures.
En tout, on va passer 6 jours et demi à bord. Autant dire qu’on aura le temps de tout tester. Et de dormir dans toutes les positions possibles.
Choix de la classe : la 3e ou rien ( puis changement sur les derniers tronçons, faute de place)
la base on a choisi la 3e classe (platskart) pour une raison simple : le budget.
C’est la classe populaire, la plus économique, et surtout la plus vivante. Il y a aussi la 2e (couchettes fermées à 4) et la 1re (cabine fermée à 2 avec plus de confort). Mais franchement, si t’es pas là pour buller dans une capsule à 1500 euros, la 3e c’est le meilleur plan pour vivre avec le train et pas juste à côté. Les différences sont énormes, la 2e classe coûte le double de la troisième et parfois tu remultiplie à nouveau par deux pour la première classe.
À la base, notre plan c’était simple : 3e classe tout le long, ambiance populaire et thé du samovar. Parce que c’est là que se passe la vraie vie russe, celle qui sent la soupe de nouilles et les chaussettes. Et aussi parce que notre budget n’autorisait pas trop de fantaisie. Mais ce qu’on n’avait pas prévu, c’est que tous les Russes ont eu exactement la même idée que nous au même moment. Et qu’on allait finir par prendre ce qu’il restait… c’est-à-dire pas grand-chose.
- Premier cas : Oulan-Oude – Irkoutsk. Un trajet court, heureusement. Mais plus une seule paire de couchettes dispo dans le même wagon. Résultat, chacun dans son coin, heureusement les hotesses ont été compréhensives.
- Deuxième cas (le plus douloureux) : Irkoutsk – Krasnoïarsk. Là, c’était le jackpot : on a hérité des DEUX lits du HAUT. Dans la hiérarchie de la 3e classe russe, c’est un peu comme réserver une place à la buvette d’un stade, sans vue sur le match. Aucun espace pour s’asseoir, pas de table, pas de contact humain sauf si tu te laisses volontairement tomber sur le passager du dessous (et encore, ça dépend de son humeur). Sauf que là, nos voisins du bas n’ont jamais bougé. On les soupçonne même d’avoir fait pipi dans une bouteille pour ne pas céder le siège. T’es là-haut, coincée dans ta capsule de survie à 1m80 du sol, à végéter, à suer et à compter les heures qui passent avec la grâce d’un hamster en burnout. Mon frère, stoïque comme un moine tibétain, l’a bien vécu. Moi ? Un poil plus nerveuse. Au bout de deux heures, j’étais en train de chercher des vols pour Moscou. Spoiler n°2 : c’était moins cher que le train. Voilà.
J’ai longuement hésité, et puis finalement, on s’est dit que ça serait idiot de ne pas finir.
Ce trajet-là a été mon signal d’alarme. On a fait une concession. Les prix était tellement élévé par rapport a ceux vu auparavant que la différence de prix avec la troisième classe s’amenuisait. Ca nous a coûté environ 100 euros de plus chacun pour 2 x 35 heures de trainn, mais qu’est-ce que c’était agréable. Pouvoir s’asseoir, ranger ses affaires, exister horizontalement ET verticalement. Le luxe. Mais soyons honnêtes : c’est cher payé. La 2e classe en Russie, c’est presque la même chose que la 3e, sauf qu’on a une cloison pour faire genre. Ça reste bruyant, un peu moisi, sans wagon resto (du moins dans plusieurs train qu’on a pris), sans douche (même si ça arrive parfois), et toujours avec les toilettes en métal qui te rappellent qu’ici, on ne plaisante pas avec la robustesse.
Donc oui, on voulait la 3e classe. Juste pas tout en haut, ni chacun dans son wagon. C’était trop demander visiblement en plein été. Oups.
Le budget du transsibérien en plein mois de juillet
Niveau prix : si tu fais Moscou-Vladivostok direct, tu peux t’en tirer pour 150 à 200 euros. Mais dès que tu fais des pauses (comme nous), ça grimpe. Compte plutôt 300-350 euros en cumulé s’il y a de la place voir jusqu’à 550 si tu galère comme nous. Ce n’est pas délirant pour traverser un pays de plus de 9000 kilomètres de long, mais ce n’est pas donné non plus. Surtout quand on sait qu’on aurait pu faire beaucoup moins cher.
Deux options pour ceux qui veulent optimiser :
- Anticiper. En réservant à l’avance, les billets sont souvent moitié prix. Mais voilà, les sites russes sont fermés aux cartes européennes et le seul site qui vend des billets en euros se prend au bas mot 100 % de commission. On a même vu en simultané des X2,5 entre le prix sur internet et celui proposé au guichet. Par contre le site est super pour voir les horaires et les places qui restent : Routes transsibériennes – horaires et prix des trains en Russie, en Mongolie et en Chine
- Faire moins d’arrêts. Chaque pause dans une ville, même pour une nuit, coûte un bras. Car tu rachètes un nouveau billet à chaque fois, même pour un petit tronçon. Et comme tu ne peux pas acheter seulement 200 km d’un long voyage (ou si, mais la compagnie s’y retrouve beaucoup moins), tu te retrouves à payer cher pour peu.
- Partir à un autre moment que pendant les vacances des Russes !
Mais pour anticiper, il faut être sur place, et même si tu prends tout en début de voyage tu perds forcément en liberté. C’est un choix qui se réfléchit.
Astuce capitale : n’achète jamais tes billets en ligne et si tu vois le prix en euros ou en dollars c’est minimum 50 à 100 % plus cher. Va au guichet, c’est fastidieux, mais bien plus rentable.





Comment réserver ses billets et choisir sa place
La réservation en guichet peut faire peur, mais avec Google Translate et un peu de patience, ça passe. On a vite compris que le choix de la place change tout. Place du bas, c’est le graal. T’as accès au rangement sous le lit, tu peux t’asseoir confortablement et même faire la sieste sans grimper.
La place du haut ? C’est plus intime (personne ne s’assoit sur ton lit), mais c’est la galère. Surtout quand tu veux descendre à 3h du matin sans réveiller toute la rame. La hauteur de plafond est conçue pour des humains de 1m30 max et même moi, avec mon mètre 58 j’avais l’impression que tout était trop petit pour moi. En couple ou en binôme, tentez d’avoir les deux places du même module. Idéalement du bas. Évitez les extrémités et les lits en longueur, souvent près des toilettes ou de la porte qui claque.
Comment le train fonctionne (et comment toi, tu survis)
Dès que tu montes à bord, on te demande ton passeport. Tout est ultra encadré. Chaque wagon a sa provodnitsa (la cheffe du wagon, souvent une dame très sérieuse à la coupe stricte), qui s’occupe de tout : linge, eau chaude, vie à bord. Les trains sont extrêmement ponctuels . J’imagine que pour ce genre de réseau à grandes échelles, il faut plus que de la discipline.
Il y a quelques années, tout les trains partait à l’heure de Moscou donc ça pouvait être un peu compliqué à comprendre. On s’était préparé à ça mais ça a changé depuis quelques années. L’heure sur ton billet, c’est l’heure locale.
Le train s’arrête toutes les 1 à 2 heures. Parfois 2 minutes, parfois 20. Suffisant pour fumer une clope ou acheter des pirojki à la mamie sur le quai. Mais attention, il repart sans prévenir, sans pitié. Tu as une fiche dans chaque wagon qui explique les arrêts et les temps de pause.
Côté confort : c’est propre, étonnamment. Même si certains wagons ont clairement vu passer Brejnev. Il y a de l’eau chaude à volonté grâce au très soviétique samovar (bouilloire géante du wagon, on a un peu l’impression que l’eau vient directement du système de refroidissement du moteur). On t’offre une mini serviette, des draps et une taie. Le reste, c’est toi qui vois. Toilettes correctes, avec parfois du papier, parfois non. Prévois ton PQ, c’est un réflexe de survie. Prends également un sac qui te servira de poubelle même s’il y en a entre chaque wagon.
Normalement c’est eau chaude ET eau froide à volonté mais dans notre tronçon de 50h, pas d’eau froide… On a du en acheter. Sur place tu peux acheter pates et gâteaux mais c‘est plus cher qu’en superette. Tu as des gens sur les quais de gare qui vendent aussi de l’alimentaire et des jouets, des magazines (en russe, ma gueule) etc. mais seulement sur les arrêts longs et plutôt ceux de jour.
Il n’y a pas de douche en 3e classe. Voilà, c’est dit.
Mais, Il y a des toilettes à chaque bout de wagon, avec lavabo, savon liquide douteux, et parfois un petit miroir pour constater les dégâts. Tu fais ta toilette de chat au gant ou à la lingette, avec stratégie et souplesse. C’est le retour triomphal du gant de toilette dans ta vie. L’eau peut être glaciale, et tu pries pour ne pas tomber sur le moment “lavage intégral d’un monsieur torse nu dans le lavabo”.
Sachant que ça c’est la règle au global. Le premier train qu’on a pris, il y avait une douche (exceptionnel !) ; le deuxième, il n’y en avait pas mais tu peux te laver au lavabo ( et par pitié pour les autres, fais le ! )
Côté odeurs ? Étonnamment correct ! Les gens sont propres et discrets, et ça ventile bien.
Côté lessive ? Si tu restes dans le train tout du long, tu fais sécher ta culotte au-dessus de ton lit, discrètement. À ce stade, tout le monde a baissé ses standards, et personne ne juge personne.
Bref, l’hygiène à bord, c’est du camping organisé : rustique, mais dans une bonne humeur corporelle générale.
La vie à bord : comme à la maison, en plus roulant
Il y a ceux qui font Moscou > Vladivostok d’une traite (6 jours non-stop). Généralement, ce sont les touristes pressés de valider leur exploit. Mais même eux finissent par craquer. L’avion est à peine plus cher, et 6 jours sans bouger, il faut une certaine philosophie de vie.
La vie à bord est douce, étrange et assez fascinante. Les Russes sont chez eux. Ça se balade en caleçon, ça téléphone en visio, ça mange à tout heure. Mais c’est toujours étonnamment calme. Pas de cris, pas de musique à fond. Même les enfants sont hyper calmes la plupart du temps. Et surtout, une incroyable bienveillance : les gens partagent leur nourriture sans hésiter. Le seul hic : quasiment personne ne parle anglais. Donc c’est mime, Google Translate (quand il y a internet), ou sourires gênés.
On passe du temps sur son téléphone (sauf que la 4G, c’est surtout quand tu arrives en ville), sur son ordi (quand il y a une prise dispo), à lire, à écrire, ou simplement à regarder le paysage ; c’est hypnotique. Même si ça ne change pas des masses, il y a toujours un petit détail qui t’accroche.
Et ce lit du haut, parlons-en. Clairement pas pensé pour les grands. Tu rampes, tu cognes, tu transpires. Mais t’es peinard.
La première vérité qu’on apprend à bord : tu n’as pas faim, tu grignotes tout le temps. Le Transsibérien, c’est un peu comme un long dimanche pluvieux où tu ne bouges pas, donc tu grignotes pour tromper l’ennui.
Option 1 : le combo nouilles instantanées + eau chaude

C’est la base. Le cœur du régime Transsibérien.
Dans chaque wagon, tu as, comme je l’ai dit, un samovar (bouilloire soviétique géante et immortelle) qui fournit de l’eau brûlante 24h/24. Donc tu prends tes nouilles (achetées à 50 centimes au supermarché russe), tu rajoutes l’eau, t’attends trois minutes, et boum : dîner à bord.
Les plus aventureux ajoutent un œuf dur ou du saucisson sec dedans. Les puristes mangent ça tel quel, au fond de leur couchette, avec une cuillère en plastique tordue par la chaleur.
Tu peux y ajouter tout ce qui est excellent pour ton summer body : chips, soda, petits gâteaux secs, un régal . Le tout est mangé sur ta couchette, à même la tablette rabattable, avec du sopalin comme nappe et une bouteille d’eau recyclée en carafe. Aucun jugement à bord : ici tout le monde mange bizarrement, avec les doigts, sans assiette, à 9h du matin ou à minuit.
Parfois, il y a un wagon-restaurant. Ça se veut guindé mais tu manges des coquillettes saucisses. Une dizaine d’euros par personne avec un boisson et un dessert … Ça le fait !

Est-ce qu’on s’ennuie ? Oui. Et c’est ça qui est bien.
On va pas mentir : oui, on s’ennuie. Et c’est génial. Ne rien faire pendant 50 heures d’affilée, sans culpabiliser, c’est devenu un luxe. On lit, on dort, on regarde le paysage, on classe ses photos, on écrit, on discute avec des gens qu’on reverra jamais.
Le paysage est répétitif, oui. Mais il évolue doucement. Un peu comme la vie. Il y a une métaphore que mon amoureux adore – il en parle souvent avec cette petite étincelle dans les yeux, celle qui dit : tiens-toi prêt, ça va te chambouler un peu. C’est celle de Jean d’Ormesson, qui comparait la vie à un train. D’après lui, on monte à bord à la naissance, on ne sait pas trop où on va ni quand on devra descendre. Et tout au long du voyage, des gens montent, d’autres descendent. Certains restent un long moment à nos côtés, d’autres juste le temps d’une station, d’un regard, d’une conversation volée dans un wagon-restaurant. Et il faut apprendre à accepter ces mouvements, ces séparations, ces retrouvailles aussi.
Et là, dans ce Transsibérien, au milieu des steppes sans fin, ce train-là prend un tout autre sens. On regarde les passagers aller et venir, les vendeuses de pirojki monter à une station et disparaître à la suivante, des Russes en claquettes partager un verre de vodka à 10h du matin comme s’il était 20h quelque part dans le monde. On se croise, on se parle, on s’apprivoise parfois. Et on se quitte.
Alors forcément, cette image du train de la vie, elle résonne encore plus fort ici. Ce Transsibérien, c’est presque une version grandeur nature de cette métaphore : un long ruban de vie où tout bouge, sauf les rails.




FAQ pour résumer :
- Quel est le meilleur sens pour faire le Transsibérien ? Est > Ouest (Vladivostok > Moscou) pour avoir le soleil dans le dos et les prix souvent plus bas. Ce qu’on a adoré c’est la sensation de se rapprocher de chez nous.
- Quelle est la meilleure classe pour voyager en Transsibérien ? La 3e classe, sans hésiter, pour l’expérience humaine et le budget serré.
- Est-ce qu’on peut acheter les billets en ligne ? Oui, mais attention aux sites en anglais/euros. Préfère les guichets en gare ou le site officiel russe RZD (en russe !).
- Combien coûte un voyage Transsibérien ? Entre 150€ (direct sans pause) et 300-350€ (avec arrêts) en 3e classe.
- Y a-t-il du wifi ou de la 4G dans le train ? Non. Ou presque pas. Prévoyez des films offline, des livres, ou votre carnet de voyage.
- Est-ce dangereux ? Pas du tout. C’est calme, encadré, safe. Même seule, pas de souci.
- Peut-on descendre en route et reprendre un autre train ? Oui, mais chaque tronçon est un nouveau billet. D’où l’intérêt d’organiser un minimum à l’avance.
- Et les toilettes ? Variables. Mais globalement propres. Apporte ton papier et ton gel hydroalcoolique.
Voilà. Le Transsibérien, c’est pas juste un train. C’est une maison roulante, une bulle suspendue, une traversée du temps et de l’espace. Une expérience qui marque. Littéralement : j’ai encore l’empreinte de la couchette sur la joue.
Et pour nous suivre, prend le départ avec nous : « Vladivostok, deux jours avant le Transsibérien »