✧ Transsibérien en été : vert, vaste et franchement hypnotique ✧
Quand on s’imagine le Transsibérien, on pense vite à une Sibérie couverte de neige, des loups au loin, une chapka sur la tête et un samovar qui fume dans le coin du wagon. Sauf que… surprise : en été, il fait chaud. Genre t-shirt, short et claquettes dans le couloir. Et surtout : c’est très vert. Parfois d’un vert éclatant, presque irréel. Bienvenue dans un monde où les forêts de bouleaux ne s’arrêtent jamais, où les champs de fleurs sauvages font de la résistance, et où la neige ne pointe même pas le bout d’un flocon.




Une longue, longue, très longue ligne verte
On a pris le train d’est en ouest, depuis Vladivostok jusqu’à Moscou, donc autant dire qu’on a vu défiler des kilomètres de nature. Littéralement. Pendant des heures, le paysage semble figé : des arbres, des arbres, des arbres, des marécages, une clairière, re-des arbres. Et puis, à un moment… « Hé mais attends, là c’est plus pareil ! » Voilà comment on se surprend à devenir spécialiste du bouleau vs pin sibérien, à distinguer une butte d’un vrai relief, à commenter des champs de patates comme s’ils étaient des œuvres d’art.
C’est un peu monotone, mais apaisant. Ça fait partie du charme. On apprend à apprécier le rythme. À guetter les changements subtils : une colline, un lac, un village, un pont métallique grinçant. Les montagnes pointent parfois leur nez du côté des monts Oural ou autour du lac Baïkal. Mais rien de vertigineux : le Transsibérien n’aime pas les pentes raides, il préfère la poésie plate.
Le Baïkal (quand il pleut, c’est moins photogénique)
Le passage autour du lac Baïkal, c’est censé être LE moment waouh. Et franchement, même sous la pluie (comme pour nous), c’est quand même assez dingue. On contourne le lac pendant quelques heures, en longeant les rives comme un gamin qui suit la ligne blanche sur le trottoir. On aperçoit des criques, des maisons en bois, des sapins penchés, des plages quasi désertes. C’est le plus grand lac d’eau douce du monde et tu sens son immensité, même à travers une vitre mouillée.
Petit regret météo, mais ça reste magique, ce genre de lieu qu’on aimerait revoir à pied, ou à vélo, ou à dos d’élan pourquoi pas. On nous avait conseillé de faire cette portion de jour, même si on a pas eu de chance, je comprends pourquoi.
Petites gares et grandes interrogations existentielles
Entre Vladivostok et Moscou, il y a plus de 9000 km et près de 400 gares. On ne les voit pas toutes (heureusement), mais on en traverse des dizaines et des dizaines, certaines minuscules, d’autres animées. À chaque arrêt, on regarde la feuille du wagon (affichée près des toilettes) avec la liste des arrêts et les temps de pause. On coche, on cherche, on joue à « où est-on maintenant ? » comme si on lisait un vieux jeu de piste.
Parfois, on s’arrête 15 minutes, et on peut descendre acheter une glace ou un thé dans un gobelet en carton bouillant. D’autres fois, c’est 30 secondes, et les chefs de gare sifflent comme des fous pour que personne ne traîne.
Et alors commence le jeu des noms de villes : on lit les panneaux, on essaye de prononcer, on se marre (« attends, c’est quoi cette ville en 12 consonnes ? »). Le plus drôle, c’est l’alphabet cyrillique. Le jour où tu réalises que le « B » se lit « V », ou que « 3 » se prononce « Z », t’as l’impression de déchiffrer un code secret. Nous, « le J c’est le S » est devenue notre blague interne. C’est bête, mais au bout de 4000 km, c’est ça ou la folie.
Petit conseil : apprends un peu l’alphabet cyrillique avant de partir. Sinon tu vas chercher « Irkoutsk » sur le panneau et tu vas rater ton arrêt car en fait il fallait lire « Иркутск ». Subtilités qui font la différence.
La vie défile (et toi tu regardes)
Ce qu’on adore, c’est que regarder par la fenêtre devient une vraie activité. On ne lit plus, on n’écoute plus seulement des podcast, on observe. On regarde les gens monter et descendre avec des sacs pleins, les petites maisons en bois coloré, les usines abandonnées, les vaches, les grues, les mines, les Lada garées en vrac, les fleuves immenses, les cités soviétiques en briques, les trains miniers ou les installations militaires…





On s’invente des vies à ceux qui montent, on imagine pourquoi ils descendent là. On reconnaît des noms de villes qu’on avait mis sur l’itinéraire… puis abandonnés faute de temps. On se demande ce que ça ferait d’habiter là, au milieu de rien, au bord de tout.
Et au final, on se dit que ce train, c’est une traversée du monde dans un tube en métal. Pas spectaculaire comme dans les pubs, mais puissant et contemplatif. Comme si on regardait la Russie rêver en grand angle. C’est sur que c’est un voyage express, monotone et que si on voulait tout bien voir il faudrait une vie. On y a consacrer 21 jours et c’est déjà pas mal …



